Le Space-Opera de Marvel Studios arrive dans les salles françaises le 13 Août. Quelques impressions sur le film et son rapport avec les comics dont il s’inspire.
On a tout dit des premiers Gardiens de la galaxie et de leurs origines dans notre dossier à lire ici. Ce n’est pourtant pas la création d’Arnold Drake et de Gene Colan, ni la première série signée Steve Gerber et Al Milgrom qu’adapte le film de 2014, mais, à en croire le générique, le reboot signé Dan Abnett et Andy Lanning en 2008. De cette incarnation moderne, le film reprend surtout son casting séduisant, prompt à plaire au grand public avec de nouveaux personnages parfaitement calibrés, résumés à une fonction identifiable par tous : Star Lord, le leader détaché et fanfaron cachant fêlures et cœur d’or sous son apparente décontraction, Gamora, femme fatale qui apprendra la confiance sous sa froideur naturelle, Drax, la montagne de muscle sans cervelle, Rockett Racoon, mignon raton-laveur fan d’armes de destruction massive et Groot, arbre géant violent mais gentil (pour plus d’informations, lire notre présentation des personnages ici).
Dès cette caractérisation, la schizophrénie du film qui se veut à la fois audacieux et familial apparait : les personnages doivent avoir une certaine noirceur et ambiguïté, mais aussi plaire aux plus jeunes. James Gunn se situe alors constamment dans un entre-deux, où chaque tentative de sortir du spectacle attendu est contrebalancée par son immédiat désamorçage. Il faut par exemple voir cette scène où Groot se déchaine contre les sbires de Ronan, en les empalant dans un déchainement de violence graphique au bout de ses branches… avant de faire un grand sourire face caméra, rassurant ainsi les enfants qui peuvent être effrayés par cette scène. Ces décrochages sont un temps amusants, mais on flaire trop la posture commerciale pour croire en sa sincérité.
La matrice du film n’est alors pas à chercher dans les comics, mais dans le cinéma d’aventures des années 70 et 80, dominé par les productions de Spielberg et de Lucas. Le héros du film, Peter Quill, est ainsi un parfait mélange de Han Solo et d’Indiana Jones, saga à laquelle toute la première partie du film fait sans cesse penser dans son jeu de piste à la recherche d’un artefact archéologique de l’espace. Plus tard, Star Wars est cité par plans entiers, autant dans le gigantisme des batailles spatiales que dans l’évolution des rapports entre les personnages, antagonistes s’alliant d’abord par nécessité avant de construire de véritables liens d’amitié. Même le clin d’œil final à Howard The Duck semble plus convoquer le film produit par Lucas que le comic Marvel. James Gunn s’amuse alors à donner une patine retro à chaque élément de son film, qui s’ouvre en 1988 et restera ancré dans cette décennie et la précédente, dominées par une bande originale d’époque frôlant le sans faute.
Indéniablement plaisant sur le moment grâce à cette touche rétro et à la sympathie immédiate qu’inspirent les personnages et leur humour bon enfant, Les Gardiens de la galaxie s’efface pourtant dès le générique de fin passé. Là où Lucas et Spielberg arrivaient à créer des œuvres s’imprimant durablement dans l’esprit des spectateurs, James Gunn sacrifie tout à la coolitude de l’instant et au plaisir immédiat à tel point que rien ne subsiste du film. L’hommage est ainsi plaisant mais creux : là où il aurait pu gagner en émotion en liant plus subtilement cet ancrage dans le passé au déracinement du héros à sa planète, sa famille et à son époque (comme Vance Astro dans les premiers comics des Gardiens), il refuse toute profondeur pour ne garder de cette thématique et esthétique que ce qui peut être fun. En ce sens, il souffre de la comparaison avec le travail de J. J. Abrams, autant sur Super 8 que sur Star Trek, qui n’avait pas peur de gâcher la fête retro et l’hommage avec des thématiques plus sombres, un ancrage contemporain et des enjeux plus développés.
Car si le film pêche par son esthétique superficielle et sa caractérisation caricaturale, il fait vraiment peine dans la mise en place de ses enjeux. Loin d’être l’introduction cosmique à l’univers Marvel dont on pouvait rêver, Les Gardiens de la galaxie se contente de quelques citations expéditives de la cosmologie de La Maison des Idées : Nebula par-là, les Célestes par-ci, le Nova Corps et les Kree au milieu et le tour est joué. C’est comme si la directive était de faire du name-droping dans l’espoir de contenter les lecteurs de comics, sûr que le fan-service remportera la mise et économisera un véritable travail d’adaptation. Passe encore que la gemme du film (dont on ne comprend bien la fonction, ayant la couleur violette de l’espace, les priorités graphiques de celle de la réalité lors de son utilisation par Star Lord, mais donne les capacités de celle du pouvoir) est un simple MacGuffin sans aucun intérêt, mais le traitement de Ronan est déjà plus problématique. En le cantonnant dans le rôle ultra-caricatural du méchant de service du côté obscure de la force, le film gâche complètement le potentiel du personnage et échoue par la même occasion à faire résonner ses enjeux avec notre monde contemporain. Et il y avait pourtant de quoi faire avec cette histoire de terroriste dissident à son empire, sans pour autant être condamné par celui-ci, s’attaquant à une apparente force de gardiens de la paix.
Là encore, le film reste d’une superficialité totale d’autant plus dommageable qu’il cite un run du comic, celui de Dan Abnett et Andy Lanning qui arrive à actualiser tout ce que le film échoue à faire, sans rien sacrifier du plaisir de lecture. Loin de l’audace annoncée, le film sécurise sa cible en faisant autant du pied aux lecteurs de comics, au grand public et aux enfants. On peut être sûr du succès devant une prise de risque aussi nulle de Marvel pour son projet qui pouvait paraître a priori comme son plus audacieux. Un racolage forcé un peu fatiguant et que l’on aura déjà oublié quand arrivera un Épisode VII, dont on espère qu’il ne cumulera pas les mêmes défauts.
Quelques lectures
Avengers Assemble 1-9 de Brian M. Bendis et Mark Bagley (2012)
Gardiens of the Galaxy 1-en cours de Brian M. Bendis et Steve Mc Niven (2013)
Si vous n’avez jamais lu de comics cosmiques Marvel mais que vous voulez plonger dans l’univers des Gardiens avant le film, Brian M. Bendis a pensé à vous avec Avengers Assemble. En 9 chapitres, la série fait le lien entre les héros connus des Avengers (Captain America, Iron Man, Hulk, Hawkeye Thor et Black Widow) et l’univers cosmique Marvel en les envoyant dans l’espace, où ils vont devoir lutter contre les Badoon puis Thanos aux côtés des Gardiens de la Galaxie. Après cette introduction, vous pouvez vous lancer dans la dernière série des Gardiens, publiée depuis début 2013, à l’ambiance pop et légère proche du film.
Les Gardiens de la Galaxie de Dan Abnett et Andy Lanning (2008)
En 2008, les deux scénaristes refondent complètement l’univers cosmique Marvel en créant une série d’événements sans précédents depuis les grandes sagas de Jim Starlin. Après plusieurs crossover (Annihilation et Annihilation : Conquest), ils reforment les Gardiens de la Galaxie dans leur incarnation moderne telle qu’elle apparaît dans le film : commandée par Star Lord, avec Drax, Gamora, Rockett Rackoon et Groot. Avec Paul Pelletier au dessin, ils réinventent la série en 25 épisodes qui débouchent sur d’autres cross-over : The Thanos Imperative, qui marque la fin de l’équipe avant sa relance par Brian M. Bendis en 2013 et Annihilators qui met fin à leur croisade cosmique en mettant en scène les plus puissants personnages Marvel, dont Ronan et le Surfer d’Argent.
Les Gardiens de la Galaxie – Guardians of the Galaxy (Marvel presents 4 à 11) de Steve Gerber, Roger Stern et Al Milgrom (1976)
La toute première série des Gardiens de la Galaxie est un petit bijou à redécouvrir. Sans lien ou presque avec le film, exception faite du personnage de Yondu, elle présente en 1976 et en 10 épisodes une série d’aventures surréalistes et bourrées d’idées dues aux excellents Steve Gerber (Man-Thing, The Defenders, Howard the Duck) et Al Milgrom (Captain America, Secret Wars) dans le style très libre du Marvel des années 70 où tout semblait permis.
Victor Lopez.