Les Gardiens de la galaxie : Yesterday’s Avengers !

Posté le 22 avril 2014 par

Alors que le film de James Gunn familiarise des millions de spectateurs avec Star-Lord, Rocket Raccoon ou Groot, retour sur des noms beaucoup plus obscurs : Vance Astro, Martinex, Charlie-27, Yondu, Starhawk (aka Icarus en VF) et Nikki. La première équipe des Gardiens a traversé les années 70 dans une série de Steve Gerber et Al Migrom, qui mérite d’être redécouverte.

Espace, frontière de l’infini, vers laquelle voyage notre vaisseau spatial.

En 1969, le space-opera a le vent en poupe. Moins à cause de 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick que d’une série signée Gene Roddenberry qui ouvre le petit écran à l’exploration de l’espace intersidéral et à ses dimensions inconnues : Star Trek. La série originale vient de se terminer mais Marvel s’en inspire pour créer quelques comics surfant sur la vague qu’elle a engendrée. C’est donc avant tout dans le sillon de l’Enterprise que sont lancés les Gardiens de la galaxie. Le scénariste Arnold Drake, aidé du dessinateur Gene Colan, a la mission de lancer un groupe de super-héros cosmique, composé de différentes espèces explorant la galaxie et réglant divers problèmes qu’il rencontre. Le décollage a lieu dans la collection de récits anthologique Marvel Super Heroes # 18 qui présente 4 personnages en guerre contre une invasion Badoon, des aliens reptiliens ayant colonisé notre système solaire, en l’an 3001 : le jupitérien Charlie 27, le plutonien Martinex, le centurien Yondu et enfin, le terrien Vance Astro, rescapé du XXème siècle suite à une hibernation de 1000 ans.

Gardiens of the galaxy

L’épisode ne marque pas les esprits et l’équipe est rapidement oubliée. Au cours des années 70, elle refait cependant surface çà et là, poursuivant sa guerre avec les Badoon dans une poignée de Team-up, avant que Marvel ne lui donne réellement sa chance en 1976. Elle confie à Steve Gerber (histoire) et Al Milgrom (dessins) le soin de moderniser les Gardiens à quelques mois de la sortie de Star Wars, dont elle détient les droits d’adaptation en comics. Les deux hommes (aidés par Roger Stern au scénario sur les derniers) vont alors signer 10 épisodes publiés dans Marvel presents # 3 à 12 aux États-Unis et Titans 6 à 15 en France. Manque de chance, si les gardiens ont fait leur apparition trop tard après la Star Trek-mania des années 60, cette série apparait trop tôt, avant le succès de Star Wars pour subsister au-delà d’une poignée d’épisodes. Elle présente cependant des thématiques qui éclairent de manière intéressante les gardiens d’aujourd’hui, tout en présentant un champ d’expérimentation dont l’audace mérite d’être soulignée.

Qui garde les gardiens ?

Gardiens de la galaxie, vaisseau

L’Enterprise ? Non : le Captain America !

La première tâche de Steve Gerber et Al Migrom sur la série va être de mettre fin à la guerre contre les Badoons qui dure en fond de l’univers cosmique Marvel depuis 10 ans. Le premier épisode montre ainsi la bataille finale, gagnée par nos héros, alliés à un nouveau membre : le très puissant et mystérieux Icarus (« celui qui sait »). Les personnages sont modernisés mais cette nouvelle introduction ne fait finalement qu’actualiser le concept de base, en créant un Star-Trek like dans le style Marvel. « L’enterprise » est remplacé par le « Captain America » mais le design du vaisseau est quasiment identique, tubes de téléportation compris. Et le groupe d’explorateurs spatiaux formés se trouvera face à des dilemmes moraux dans leur voyage dans l’espace, tout comme Kirk et Spock avant eux.

Gardiens de la Galaxy Marvel Presents _003 - 13

La fin de la guerre contre les Badoon… en une page !

Deux arcs structurent cette première série : le premier (Marvel presents 4 à 7) voit notre équipe combattre une sorte de cancers rongeant des galaxies entières, le second (Marvel presents 9 à 11) est centré sur Icarus. L’épisode 8 est un bouche-trou reprenant l’histoire su Surfer d’Argent face aux Badoon de Stan Lee et John Buscema (Silver Surfer 2) et le dernier est une introduction à de nouvelles sagas, qui ne viendront que bien plus tard.

Il y a quoi à l'affiche au Cinéma sur la planete de l'absurde ?

Il y a quoi à l’affiche au Cinéma sur la planete de l’absurde ?

Dans la première histoire, Steve Gerber s’en donne à cœur joie et accumule les concepts fous et les trouvailles scénaristiques comme il avait su le faire sur Man-Thing, The Defenders ou Howard the Duck. Complétement psychédélique, la série culmine dans la présentation de Planet Of The Absurd!, un épisode se déroulant sur une planète asile, dépotoir des pires folies de l’univers, où les déviances sont la norme (on voit par exemple une salle de cinéma diffusant « Deep Kiss » avec « Linda Lovecraft » !), qui ressemble pourtant au New-York des années 70 comme on peut le voir dans les Scorsese de l’époque (Mean Street, Taxi Driver). Le cycle se clôt de manière étonnante par une scène de sexe (la première explicite de l’histoire des comics mainstream) entre l’univers cancer de la taille de système solaire investi par la conscience de Vance Astro et Nikki vivant une expérience extracorporelle mystique.

La seconde saga est moins symptomatique des délires très 70’s dont Marvel pouvait se faire le reflet sur des séries « mineures », le plus sérieux Roger Stern chapeautant les délires cosmiques de Steve Gerber. Le sous-texte de la série n’en reste pas moins assez étonnant en explorant deux thématiques de manière frontale : la singularité raciale et l’identité sexuelle. Chacun des gardiens est en effet le dernier membre d’une espèce disparue, gardien de la mémoire collective d’une civilisation perdue, mais aussi le seul à pouvoir comprendre sa culture. Ils sont victimes du racisme et des préjugés des autres membres comme des espèces qu’ils croisent. La grande histoire des gardiens, c’est comment ces êtres singuliers vont dépasser et accepter leurs différences pour vivre ensemble. Ce qui ne se fait pas sans heurts, ni sans quelques bousculades de ce que l’on peut considérer comme étant politiquement correcte aujourd’hui. Pour exemple, Yondu est ainsi le dernier représentant de sa planète Centauri-IV, sur laquelle il entretient une osmose quasi-fusionnelle avec la nature. Métaphore des Indiens d’Amérique, le personnage est assez proche des Na’vi que décrira James Cameron dans Avatar. Il essuie sans cesse le scepticisme du Jupitérien Martinex, être de pure raison, ou du sanguin terrien Vance Astro.

gardiens de la galaxy yondu

L’autre conséquence de cette singularité est la difficulté pour ces personnages de trouver un épanouissement sexuel. Leur frustration est directement évoquée via le personnage de Vance Astro : astronaute du XXème siècle que seule une combinaison imperméable maintient en vie, tout en lui interdisant tout contact physique : s’il l’enlève, il tombe en poussière. La scène d’amour extracorporel le de l’épisode 7 fait donc office de véritable libération pour un personnage, que l’on a vu se morfondre dans une solitude quasi-suicidaire lors des épisodes précédents.

Dans ce second arc, consacré au personnage d’Icarus, on retrouve une trace de cette audace lorsque l’on apprend que le personnage est non seulement hermaphrodite, mais qu’il est à la fois le père et la mère de ses enfants ! Mais la surprise du récit de Roger Stern vient moins de son aspect transgressif que de la manière dont il embrasse le cours d’une tragédie classique. Décrivant la croisade folle d’un grand-père contre ses enfants, on voit celui-ci sacrifier ses petits-enfants à sa vengeance, jusqu’à la mort absurde de ces derniers dans une scène infiniment triste voyant des enfants vieillir en quelques cases avant de tomber en poussière.

Icarus Gardiens de la galaxy

Tomorow’s Avengers

Malgré ses qualités, ces premiers gardiens ne connaissent pas grand succès et sont vite oubliés, d’autant que leur inscription dans le XXXIème siècle ne permet pas de fortes connections avec l’univers Marvel classique. Les références à notre époque sont en effet bien lâches : égaré dans une époque qui n’est pas la sienne, Vince Astro voue un culte à Captain America, qui s’est retrouvé lui-aussi perdu dans le temps, au point de nommé son vaisseau du nom de son idole ; les Badoon sont les mêmes qui combattent le Surfer d’Argent ou les X-Men à la même période, les voyages dans le temps permettent quelques rencontres (dont La Chose)… Quand, dans les années 90, Marvel relance l’équipe dans sa propre série signée Jim Valentino, il est décidé que leurs aventures aient lieu dans un univers parallèle (la terre-691) afin de clarifier la continuité. Vance Astro est ainsi sur la Terre-616 Vance Astrovik, le Justice des New Warrors.

Après 1995, Les Gardiens tombent de nouveau dans l’oubli… jusqu’en 2008. Une équipe cosmique composée de quelques francs-tireurs dont un raton laveur fan de grosses pétoires et un arbre géant découvre un bloc de glace flottant dans l’espace. Dedans, un naufragé temporel et dimensionnel : Vance Astro. Pour lui rendre hommage, le groupe décide alors de prendre comme nom : Les Guardiens de la galaxie. L’histoire recommence…

Gardiens de la galaxie

Titans 6Les Gardiens de la galaxie – Gardians of the Galaxy (Marvel presents 4 à 11) de Steve Gerber, Roger Stern et Al Milgrom. 1976.

À lire en version française dans Titans 5-15.

En VO dans l’album Guardians of The Galaxy : First Avengers, Vol. 1

Et dans la toute nouvelle édition Intégrale de Panini Comics: