Captain America au fil des ans

Posté le 21 avril 2014 par

Constant dans son incarnation symbolique des idéaux américains, Captain America a pourtant connu des métamorphoses en plus de 70 ans de publication. Petit tour d’horizon de ce que représente le personnage de comics décennie par décennie.

Les années 40 : L’âge d’or du Super-Américain

40_Captain America 1

L’idée était là, évidente, il suffisait de la capter dans l’air du temps et de la fixer sur papier. C’est ainsi que parlent Joe Simon et Jack Kirby de leur création du plus célèbre des super-héros patriotiques pour Timely Comics (futur Marvel). Pourtant, en ce début des années 40, si la menace nazie inquiète les Etats-Unis, l’opinion publique est divisée quand à une entrée en guerre du pays dans le conflit qui déchire l’Europe. Concevoir un super-héros aux couleurs du drapeau américain, allant décocher un direct du droit à Adolf Hitler sur la couverture du premier numéro, plus d’un an avant Pearl Harbor, est un acte politique, qui a pour but de sensibiliser la population américaine à une intervention militaire. Le premier numéro de Captain America se vent à plus d’un million d’exemplaires, mais les auteurs, juifs particulièrement concernés par la question du nazisme, reçoivent aussi de nombreuses lettres de menaces des opposants à l’entrée en guerre. Pendant 10 numéros, Simon et Kirby vont alors considérer leur œuvre à des fins de propagande : leur personnage (dont le premier nom était « Super-American ») est une incarnation littérale de la bannière étoilée, qui démontre la nécessité de combattre le nazisme. L’ennemi est déjà là : il a infiltré les Etats-Unis de par ses nombreux espions, qui sont les premiers adversaires de Cap, sous-entendant ainsi bien la volonté d’Hitler de domination mondiale et d’attaque de l’Amérique.

Si Simon et Kirby quittent Timely pour DC en 1942, leur personnage (dont les récits sont repris, entre autre, par Stanley Lieber, futur Stan Lee) reste jusqu’à la fin de la guerre l’un des plus populaires de la firme, et l’un des comics les plus appréciés des G.I. sur le front. Le personnage participe pleinement à l’effort de guerre, motivant les troupes d’un côté, provoquant l’enthousiasme des civils de l’autre.

Les années 50 : Chute d’une icone

50-Captain America vs CommunismLa fin de la guerre marque logiquement la chute du personnage. La série prend fin en 1949, et les quelques tentatives de relance dans les années 50 sont loin de soulever l’enthousiasme. Le Captain America de cette décennie s’en prend au nouvel ennemi des Etats-Unis : les communistes, se faisant le reflet des années troubles du maccarthysme. Une triste période que Stan Lee décidera de rayer de la continuité lorsqu’il reforgera l’univers Marvel au début des années 60 : à la fin de la guerre, Captain America disparait et d’autres reprennent le costume sous l’impulsion du gouvernement américain. Le Captain America anti-communsite des années 50 n’est ainsi pas le héros de guerre Steve Rogers, mais un imposteur fou, William Burnside, qui a usurpé son identité.

C’est donc l’incarnation pure et héroïque de l’Amérique combattant le nazisme, telle qu’on la découvre dans Captain American : First Avenger, qui reste en mémoire lorsqu’on évoque le Captain America de l’âge d’or.

Les années 60 : Once an avenger, always an avengers

60_ Captain America_Avengers

Stan Lee, lorsqu’il repense de fond en comble l’univers Marvel au début des années 60 (ce que l’on appelle l’âge d’argent des comics) n’a pas oublié Captain America. As du marketing, il fait d’abord un petit sondage pour déterminer la popularité du héros, en faisant revenir un faux Captain America, et demandant aux lecteurs s’ils souhaitent retrouver le vrai. Suite à une réponse enthousiaste des fans, Lee utilise son titre Avengers pour ressusciter Captain America. Iron-Man & consorts retrouvent le héros de guerre, disparu en mission il y a des années, enfermé en hibernation dans un bloc de glace. Fidèle à sa maxime qui veut que pour qu’un héros soit intéressant, il lui faut des failles, Stan Lee transforme la Bannière étoilée en héros inadapté au monde moderne dans lequel il se réveille, tourmenté par son passé et hanté par la mort de son sidekick, Bucky, dont il se sent responsable.

Peu à peu, le personnage doit accepter son rôle de leader pour diriger les Avengers. La Légende Vivante renait au fil des épisodes, son idéalisme motivant ses équipiers plus cyniques comme Tony Stark. Une opposition que l’on retrouve encore intacte dans le film Avengers.

En symbolisant l’idéalisme d’une période plus simple confrontée à la réalité d’un monde plus complexe, Captain America est alors l’incarnation du réveil des consciences auquel est confronté les Etats-Unis après le Maccarthysme et s’ouvrant à une période plus libérale dont l’élection de Kennedy en 1961 est le point de départ et son assassinat en 1963 son point de rupture.

Les années 70 : Captain America, j’écris ton nom

70_Captain America Nomad

La popularité de Captain América va croissante dans les années 60 : il retrouve son titre en 1968 (avec Captain America 100, qui reprend la numérotation de Tales of Suspense) et ne se démentira pas pendant les années 70. Son comics ne connait pas d’interruption jusqu’à aujourd’hui (sans les multiples relances du titre, il aurait dépassé les 700 épisodes : nous sommes aujourd’hui au volume 7 de ses aventures). Dans les années 70, la série, aux mains de Steve Englehart et Sal Buscema figure parmi les meilleures ventes de Marvel, qui en profite alors pour confronter son personnage aux problèmes que rencontrent la société.

Il se voit tout d’abord associé à l’un des premier super-héros noir : Le Faucon, avec qui il partage l’affiche pendant toute la décennie. En sa compagnie, il va être particulièrement attentif aux problèmes des minorités aux Etats-Unis. Mais c’est surtout sur le plan politique que la série fait preuve d’audace. Associé au S.H.I.E.L.D., Captain America lorgne de plus en plus vers une série d’espionnage, et prend ainsi le pouls de la situation géopolitique de l’Amérique, sans oublier ses conflits internes. Par exemple, en 1974, suite au Watergate, Captain America décide d’abandonner son costume. Les auteurs insistent sur la dimension avant tout métaphorique du personnage : il est l’incarnation des idéaux incompressibles de l’Amérique, qui ne sont jamais soumis à l’obéissance de tels ou tels gouvernements, passibles de dérives. Le personnage n’hésite ainsi pas à s’opposer aux administrations qu’il désapprouve, comme ce sera de nouveau le cas dans les années 2000, lors de Civil War. La Sentinelle de la liberté symbolise alors surtout cette vertu.

Les années 80/90 : The Expendable

80_Captain America_Miller

Devenu une véritable icone, Captain America traverse les années 80 et 90 comme un super-héros sans faille (les interrogations de Stan Lee étant largement oublié durant ces décennies). Il reste un symbole d’indépendance (il refuse encore d’être sous les ordres du gouvernement et manifeste son désaccord dès que c’est possible), dont l’aura est telle que Roger Stern et John Byrne envisagent un temps d’en faire le président des Etats-Unis. L’idée est abandonnée (elle s’oppose à une règle de l’Univers Marvel qui veut que le Président en activité soit le « vrai » président) mais sera reprise dans la continuité parallèle des Ultimates en 2013.

Captain America est la figure du leader charismatique qui mène tous les combats des Vengeurs. Sa dimension super-héroïque, après l’ère politique des 70’s est affirmée et il prend part à toutes les sagas cosmiques : on le voit mener des guerres entre peuples extra-terrestre alors que la course à l’espace entre son pays et l’Union Soviétique fait rage. Captain America est comme l’Amérique de Reagan : sûr de lui, il bande les muscles et rien ne peut arrêter sa toute puissance.

C’est peut-être Franck Miller qui a le mieux croqué la toute-puissance du personnage en le faisant apparaitre dans ses épisodes de Daredevil : « Un soldat avec une voix qui pourrait commander un Dieu… et le fait. » Alors qu’arrivent les années 90, il suit pourtant le même chemin que les héros bodybuildés des années 80, incarnés au cinéma par Stallone et Schwarzenegger et perd de sa superbe. Les ventes se tassent, l’intérêt pour le personnage, victime de la crise de l’industrie des comics qui touche particulièrement Marvel à la fin des années 90, est moins fort. Il faut attendre le 11 septembre pour que l’Amérique ait de nouveau besoin d’un héros patriotique. À cette occasion, Steve Rogers se découvre et abandonne son identité secrète. Il ne manque plus qu’un scénariste talentueux pour amener le personnage dans l’air du temps vers de nouveaux sommets.

Les années 2000 : L’arrivée de l’hiver

2000_Civil War

Quand il reprend le personnage en 2004, Ed Brubacker (avec Steve Epting aux dessins) entreprend une refonte complète du personnage, qu’il va mener à bien jusqu’en 2012. L’année du début de son run est particulièrement importante : le pays s’enlise en Irak et vient de réélire Bush. Le scénariste va alors jouer sur l’ambiguïté du personnage, conscient que «les lecteurs de gauche voulaient que Cap manifeste contre l’administration de Bush en tenant des discours publics, alors que ceux de droite le voulaient dans les rues de Baghdad, décochant un crochet à Saddam Hussein. ».

Le récit va alors interroger toutes les ambiguïtés du personnage, déconstruire son mythe (en allant jusqu’à tuer Steve Rogers), redéfinir son histoire (en réécrivant totalement son rôle dans la guerre froide, à travers le personnage du Soldat de l’hiver), montrant ainsi la modernité intemporelle du personnage et sa connexion totale avec son pays et son époque, dont il continue d’être le miroir et la boussole morale plus de 70 ans après sa création.

Conseil de lecture : Si vous voulez découvrir les comics de Captain America, autant commencer par ce qu’il y a de mieux, de plus moderne et accessible, le run de Brubacker, disponible en Marvel Deluxe.

Victor Lopez.

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